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Roméo et Juliette, mis en scène et scénographié par Eric Ruf en 2015, a été la première pièce de théâtre que j’ai vu. Six tours grises font apparaitre successivement la rue, la salle de bain, le balcon, le tombeau, avec une telle fluidité que ma mémoire n’a pas su imprimer les déplacements de ces six blocs gris. En sortant du théâtre, j’ai su que j’aspirais à cette magie de l’écriture scénique.

J’ai pu participer en 2017 au festival Impatience, festival de théâtre émergent, en tant que jury lycéen, cette expérience m’a permis de voir de nombreuses pièces sur une courte période et de me plonger totalement dans cet univers que je ne connaissais pas encore très bien.
Depuis, je n’ai cessé de rechercher de nouvelles expériences, et je me trouve toujours à ma place dans une salle de spectacle.

Durant mon parcours j’ai pu découvrir le travail d’Angelica Liddell sa façon de mettre en scène les corps crus et sans filtre, sous la lumière d’une réalité dérangeante me rappelle le travail de Martin Parr, bien que le photographe traite ce sujet avec plus de légèreté. Angelica Liddell à travers ses textes et ses mises en scène ne laisse aucune place à la douceur. C’est une artiste qui me bouscule énormément. Dans son spectacle Padre, dans l’un des tableaux elle mets en scène un corps sous un drap sur un lit mortuaire, lorsqu’elle soulève ce drap, l’on découvre que c’est en fait un enfant, âgée de moins de 10 ans qui lui fait face, il se lève et quitte le plateau. J’ai pu sentir un frisson parcourir la salle à la levée du drap. Je ne sors jamais indemne de ses spectacles ou de ses textes.

Le texte de théâtre est pour moi déclencheur dans ma pratique, j’aime à le modeler, j’y entends des choses que j’ai besoin de retranscrire en visuel ; mais il fait également résonner des oeuvres qui n’y sont pas directement liées. Après la lecture de la Mélancolie des Barbares de Koffi Kwahulé, j’ai vu au centre Pompidou la mariée de Niki de Saint Phalle, et j’y ai reconnu le personnage principal de la pièce que je venais de lire ; « J’ai toujours espéré que quelque chose m’arrive. J’ai appelé l’amour et l’amour est venu. Pas le prince charmant, mais un mari. Maniaque et jaloux, donc dépressif. Enfin quelque chose qui m’arrive. ».

Elle incarnait ce qui m’avait transporté dans le texte et qui me transportait alors à nouveau quand je me tenais face à elle. La femme est ici enfermée dans sa robe de marié et ensevelie sous les jouets d’enfants tandis que dans la pièce, la femme est enfermée sous un voile par son mari. Les deux matières s’entrechoquent et se fondent dans mon processus de création.

De manière plus générale, c’est le traitement de l’intime qui provoque chez moi un interêt.
J’ai commencé à m’intéresser au cinéma avec le film Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin, il y aborde avec justesse le thème de l’adolescence, et les dialogues mettent au premier plan l’intimité des personnages. C’est un sujet que l’on retrouve dans le film La belle personne de Christophe Honoré, où il transpose la princesse de Clèves dans une tout autre temporalité, il nous montre l’intimité des adolescents à travers des gros plans sur leurs visages.

J’ai également découvert l’année dernière le monde du cabaret, très différent de ce à quoi j’étais habituée dans le spectacle vivant, mais j’y ai trouvé un espace de liberté, où la scène réduite comparé à celle des théâtres rend le spectacle plus personnel encore, où la performance ne connait pas de norme.